Actualité de la scénographie
Jean Chollet
Ce dialogue troublant écrit en 1983 par Marguerite Duras à l'attention de Madeleine Renaud, s'inscrit dans la rencontre de deux femmes. Madeleine, comédienne, a "la splendeur de l'âge du monde", et "La Jeune Femme" est la résurgence d'une petite fille hypothétique devenue adulte, ou encore une voix intérieure. Entre elles, un parcours sinueux au fil de la mémoire, fait de va et vient, de sensations, de pulsions, de silences, d'imaginaire ou de souvenirs, révélant dans l'amour ou la mort un monde intérieur vertigineux.
Il fallait deux équilibristes de talent pour donner chair au verbe durassien. Catherine Samie est une Madeleine, à la fois vibrante et mesurée, toute en nuances et ruptures. À ses côtés, Catherine HiEgel exhale, dans son rôle de révélateur, une force brûlante, dont l'expression ouvre sur une lecture renouvelée du personnage. Toutes deux sont plongées dans l'immersion sensible et affective, pratiquée par Éric Vigner au coeur de l'univers de Duras, depuis La Pluie d'été.
Sa mise en scène reflète son écoute attentive jusque dans le non-dit, et restitue avec densité et ferveur ce chant crépusculaire, dans une scénographie ouverte et symbolique (rideau en perles de verre, prenant sous les lumières de Marie-Christine Soma, les reflets de l'Orient, claustra clair, photo de M.D., ...). D'autant plus cohérente, qu'elle s'inscrit dans une prise en compte de la nature si caractéristique de la Salle Richelieu, réputée hostile à l'écriture contemporaine. Une entrée réussie au répertoire du Français.