Tommaso Traetta
EN ATTENDANT LE LEVER DE RIDEAU
Livret ANTIGONA, Chatelet Théâtre musical de Paris
Né le 3o mars 1727 à Bitonto, près de Bari, TOMMASO TRAETTA est originaire de la région des Pouilles, vivier de musiciens particulièrement fertile qui vit également naître Leonardo Leo, Niccolà Piccinni, Giovanni Paisiello, Saverio Mercadante...
Élève de Nicola Porpora et de Francesco Durante à Naples, il y écrit ses premiers opéras avant de partir pour Venise, Vérone et Mantoue. En 1758, il obtient son premier poste important : maître de chapelle et de musique à la cour du duc de Parme.
C'est dans ce cadre qu'il entame, parallèlement à Gluck, une réforme de l'opera seria italien inspirée par le modèle de la tragédie lyrique à la française.
Pendant sept ans, Parme reste son port d'attache, même s'il compose également pour Vienne, Turin et Mannheim. En 1765, il prend la direction du conservatoire de l'Ospedaletto à Venise puis, en 1768, part pour Saint-Pétersbourg occuper le poste de maître de musique à la cour de Catherine II. Il quitte la Russie en 1775 et, après un passage par Londres et Naples, se fixe à nouveau à Venise où il meurt le 6 avril 1779.
Commandée par Catherine II et créée le 11 novembre 1772, Antigona marque le point culminant du séjour de Traetta à Saint-Pétersbourg. Comme pour Ifigenia in Tauride à Vienne, neuf ans plus tôt, il a la chance de travailler avec l'un des meilleurs librettistes de son époque, son compatriote Marco Coltellini.
Originaire de Livourne, ami de Gluck et de Calzabigi, Coltellini occupe à l'époque les fonctions de poète officiel à la cour de Russie, où il s'éteindra en 1777, en pleine disgrâce, la tsarine ayant fort peu apprécié l'un de ses pamphlets satiriques. Parmi ses livrets les plus connus, on compte La finta semplice de Mozart et L'infedeltà delusa de Haydn.
Antigona constitue pour Traetta un nouveau pas en avant dans la réforme entamée à Parme quatorze ans plus tôt: dimensions resserrées, enchaînement plus fluide des scènes, augmentation du nombre des duos et morceaux d'ensemble par rapport aux airs, rôle accru des choeurs traités comme dans la tragédie antique, renoncement presque total à la structure de l'air da capo, principal fondement de l'opera seria depuis ses débuts.
Seule la fin heureuse, conçue comme un hymne à la grandeur de Catherine II, peut paraître conventionnelle, mais, au vu des circonstances, il était difficile pour le compositeur d'y échapper...
Offrant des cachets alléchants aux artistes, Saint-Petersbourg attire dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle les meilleurs chanteurs du continent européen. Antigona fut donc créée par une distribution de premier ordre, dominée par Caterina Gabrielli dans le rôle-titre, célèbre pour ses frasques amoureuses mais également pour ses immenses dons vocaux et dramatiques, reconnus par les plus grands musiciens de l'époque. Selon les usages du temps, le rôle de l'amoureux (Hémon) était confié à un castrat et celui du père (Créon) à un ténor.