"Il n'y a pas à proprement parler d'œuvres ayant "nourri" l'écriture de DÉBRAYAGE. Je suis un autodidacte complet et j'ai appris à écrire en écrivant cette pièce, ma première, à trente ans passés. Elle est le reflet de ce que je vivais à l'époque. J'ai écrit sur un univers que je connaissais bien, mais je ne peux pas affirmer qu'une œuvre littéraire, un essai économique ou encore un ouvrage traitant de sociologie aient accompagné l'écriture de DÉBRAYAGE. Par exemple, on a beaucoup parlé ces dernières années de "harcèlement moral" dans les entreprises, un certain nombre de livres à succès ont été écrit sur la question, mais en 1995, l'année de l'écriture de la pièce, le terme n'existait pas. Le phénomène existait déjà, mais il n'était pas encore traité. Je suis par ailleurs totalement incapable de comprendre un ouvrage traitant d'économie...
En ce qui concerne le théâtre, il s'est très peu intéressé au travail, au monde de l'entreprise. MICHEL VINAVER en a parlé avec deux de ses pièces je crois, mais je ne les connaissais pas. EDWARD BOND a écrit une grande pièce, DANS LA COMPAGNIE DES HOMMES, qui parle d'une OPA d'une entreprise sur une autre, et donc de la grande violence pouvant régner dans le monde de l'entreprise, des dégâts humains qu'elle provoque, mais je l'ai lue bien après l'écriture de ma pièce...
En écrivant DÉBRAYAGE, il m'est arrivé de tomber sur un article de journal qui retienne mon attention. Par exemple, j'avais lu qu'un parc d'attraction s'était ouvert en Lorraine, région de sidérurgie totalement sinistrée par le chômage et que des ouvriers avaient retrouvé du travail en endossant des costumes de schtroumpfs ! J'ai immédiatement écrit une séquence là-dessus. Mais c'est à peu près tout... Mes goûts littéraires n'avaient pas grand-chose à voir avec le sujet que je m'étais mis en tête de traiter.
Je lisais beaucoup BECKETT, KAFKA, FERNANDO PESSOA... J'avais retenu de BECKETT que "rien n'est plus drôle que le malheur" et chez KAFKA l'aspect indéniablement comique d'un homme se débattant dans les méandres d'une administration toute puissante et inhumaine. "Le livre de l'intranquillité" de PESSOA me touchait énormément puisqu'il parlait d'un employé de bureau cherchant à fuir la médiocrité de sa vie dans l'écriture, la vie intérieure, la pure contemplation des êtres et des choses. J'avais une vie très proche de celle-là... Voilà les très grands écrivains que je lisais à l'époque et que je lis toujours. Ils ont forcément travaillé en moi, mais de manière souterraine."I